Naître au Cambodge

Le Cambodge, 6ème pays de notre voyage, se remet doucement de 25 ans de guerre et du génocide par les Khmers rouges, qui l’a durement touché de 1975 à 1979. On estime que cette dictature d’une rare violence, menée par Pol Pot fit au moins 1,7 millions de morts soit 21% de la population cambodgienne de l’époque. La visite de l’ancienne prison S21 à Phnom Penh nous a fait froid dans le dos… Autant d’atrocités ne devraient pas avoir existé.

Ce pays de presque 16 millions d’habitants a été anéanti par ce génocide, tant sur le plan économique que sur le plan sanitaire et social. Ainsi, une grande partie de son économie actuelle dépend de l’aide internationale tout comme le domaine de la santé. 

Les structures de soins sont peu développées, surtout en province où l’on trouve essentiellement de petits dispensaires de campagne. L’espèrance de vie est de 71 ans. Le Cambodge est considéré comme un des pays les moins performants d’Asie en ce qui concerne la santé de la mère et de l’enfant. En effet, le taux de mortalité infantile est d’environ 50 pour 1000 naissances. Un enfant sur 8 succomberait avant l’âge de 5 ans. La mortalité maternelle au Cambodge est l’une des principales causes de décès des femmes en âge de procréer avec 250 décès pour 100 000 naissances. Pour la population « accoucher est aussi dangereux que de traverser une rivière », d’où l’appellation de « Chlang Tonlé » par les ancêtres pour désigner l’accouchement.

Une des explications de ces chiffres est le taux de 79 % des accouchements hors structure médicale, souvent avec l’aide d’accoucheuses traditionnelles. L’accouchement à l’hôpital est non accessible pour beaucoup de femmes car très onéreux et plus de la moitié d’entre elles n’ont aucun soin pendant la grossesse. Nous nous sommes donc plutôt renseignées sur l’accouchement à domicile. 

Les accoucheuses traditionnelles tiennent leur savoir des guérisseurs « Khru Khmer » pour la plupart d’entre elles. Pour exemple, l’absorption d’un mélange d’herbes faciliterait la naissance en rendant la progression du bébé plus simple. Les croyances traditionnelles se perpétuent de génération en génération et n’arrangent en rien les carences alimentaires (66% des femmes cambodgiennes sont anémiées). De nombreux aliments sont à proscrire absolument pendant la grossesse selon la culture Khmer : les pousses de bambou et la canne à sucre durciraient la membrane placentaire, les épices (gingembre, poivre et piments) chaufferaient le liquide amniotique. La coutume veut que la femme enceinte ingurgite de l’alcool de riz mélangé à des graines de sésame, ce qui engendrerait des foetus de petit poids et faciliterait l’accouchement…

Lors des accouchements à domicile il n’est pas rare que la parturiente soit entourée de femmes plus âgées déjà mères chantant des incantations pour éloigner les mauvais esprits et faciliter la naissance. Tout comme au Laos, le rite du feu et les restrictions alimentaires dans le post-partum sont très répandus (pas de viande, pas de poisson et uniquement de l’eau bouillie). L’accouchée doit porter chaussettes et bonnets afin de prévenir les maux de tête, d’oreilles et les infections. Les 3 premiers jours, l’enfant appartient au monde des esprits et s’il survit à cette période il passe ensuite dans le monde des humains. Le prénom de l’enfant est choisi en fonction de la date de naissance et avec l’aide de la famille. Au un mois de l’enfant, une fête est organisée afin d’appeler les 32 « khouanes » (=âmes) de la mère et de l’enfant. Pendant cette fête, le bébé est lavé avec de l’eau parfumée dans laquelle on trempe une feuille d’or et d’argent afin de lui apporter chance et prospérité.

Nous avons eu accès à deux maternités à Phnom Penh, capitale du pays : une privée et une publique. Nous n’avons pas été autorisées à prendre des photos. La maternité publique « The National Maternel and Child Health Center » est une structure amie des bébés bâtie avec l’aide du Japon.

Il s’y déroule environ 20 accouchements par jour assurés par 5 sages-femmes de garde. Le taux de césarienne est de 15%. L’anesthésie péridurale est très rare. La pratique de l’épisiotomie est très répandue. Comme en France, le patiente reste en surveillance 2h après l’accouchement. La femme et l’enfant sont hospitalisés pendant 3 jours lors d’un accouchement normal et une semaine lors d’une césarienne. Pendant le séjour le bébé n’est pas habillé mais seulement emmailloté et on prend sa température par le toucher. L’allaitement mixte est très répandu jusqu’à la montée du lait « dambong » car les femmes cambodgiennes estiment que le colostrum ne suffit pas.

La maternité privée que nous avons visité (dont le nom n’était malheureusement pas traduit en alphabet français) était plus calme et plus luxueuse. Les soins paraissent identiques. Ce sont des chambres individuelles et spacieuses qui permettent d’accueillir toute la famille qui aidera la mère dans l’apprentissage des soins de l’enfant. Cette maternité privée a un coût : 500 dollars pour un accouchement voie basse contre 50 dollars dans une maternité publique…sachant que le salaire moyen mensuel au Cambodge en 2012 est de 73 dollars…
Seulement 25% des femmes mariées utilisent une contraception. Le taux de fécondité est de 2,6 enfants par femme. Le niveau de vie restant peu élevé, les enfants sont contraints à travailler dès leur plus jeune âge pour subvenir au besoin de la famille. Ainsi, 45% des enfants de 5 à 14 ans travaillent (essentiellement dans la rue ou dans les décharges à ciel ouvert) et ne vont pas ou peu à l’école. 27% de la population est analphabète. Une association que nous avons visité se bat depuis 20 ans pour changer cela et scolariser ces enfants : Pour un Sourire d’Enfant. Nous vous invitons à la découvrir et à la soutenir! Leur site est très bien fait et vous découvrirez une vidéo émouvante expliquant la situation.

Merci à notre sponsor France Bébé Nutrition pour son contact au Cambodge et au Dr Sebban, médecin référent de l’association PSE pour son soutien moral 😉

Naître au Laos

Le Laos, aussi appelé « pays du million d’éléphants », possède une histoire contemporaine tourmentée avec la décolonisation, les bombardements liés au conflit vietnamien et l’instauration d’un régime communiste en 1975. Tout ceci l’a longtemps tenu à l’écart du reste du monde mais cette période de fermeture est désormais révolue et le Laos s’ouvre progressivement. Cependant les traditions restent bel et bien ancrées.

Le Laos compte près de 7 millions d’habitants et sa croissance démographique est de 1,75 % par an. Considéré comme l’un des pays les plus pauvres de la planète, son système de santé est globalement insuffisant. 30% de la population vit avec moins de 1 dollar par jour et est analphabète. Le Laos manque de personnel médical qualifié, d’équipements et de médicaments. Les hôpitaux se trouvent dans les grandes villes mais ces villes sont difficiles d’accès pour la population habitant à la campagne à cause d’infrastructures routières défaillantes. C’est pourquoi on trouve de petits dispensaires dans certains villages.

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Le taux de fécondité au Laos est de 4,5 enfants par femme. Le taux de mortalité infantile est de 70 pour 1000. Le taux de mortalité maternelle est de 405 pour 100 000.

En milieu rural, 18 % des femmes sont suivies pendant leur grossesse et 91% accouchent à domicile. En milieu urbain, 73 % des femmes ont un suivi de grossesse et 44% accouchent à domicile.

Au Laos, l’accouchement à domicile reste dans les moeurs et la grossesse est porteuse de traditions. Tout au long de la grossesse, la femme porte une médaille (préalablement bénie au temple) autour du cou pour se protéger des esprits malveillants et dort avec un couteau sous l’oreiller. Ce couteau sera placé sous l’oreiller du bébé après l’accouchement. Elle n’a également pas le droit de sortir de chez elle la nuit, toujours pour se protéger des mauvais esprits.

Au moment de l’accouchement, la tradition veut que tous les objets suspendus au mur soient décrochés : c’est la levée magique des obstacles à la descente du foetus.

Après la naissance une croyance perdure et est respectée par 78% des femmes : celle de l’exposition au feu. Elle consiste à rester allongée toute la journée sur un lit au dessus des braises pendant une semaine à 2 mois. Une autre tradition, responsable de carences alimentaires chez la femme et le nourrisson, a pour nature de ne s’alimenter que de riz gluant pendant au moins 5 jours après l’accouchement et de ne boire que des infusions de racines pendant 3 mois.

Lors de notre voyage, nous avons pu visiter la Maternité de l’hôpital public Mahosot de Vientiane. Dès notre arrivée nous avons tout de suite pu remarquer le manque de moyens par rapport à la France malgré le fait que nous soyons dans l’un des principaux hôpitaux du pays. Le bâtiment est vétuste et les patients nombreux.

Nous avons pu faire le tour des locaux (suites de couches, salle d’accouchements, PMI, service de néonatalogie) avec le chef de service puis nous sommes restées 3h avec les sages -femmes, en salle d’accouchements.

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Cet hôpital réalise 3300 accouchements par an dont 16% de naissances par césarienne. L’équipe de garde sur 24h se compose de 4 sages-femmes, un gynécologue et un interne. Il faut 3 années d’études pour être sage-femme et c’est elle qui pratique l’accouchement.

Pour les femmes ayant un suivi de grossesse, il y a 4 à 10 consultations prénatales et 2 à 3 échographies. La PMI joue un rôle très important aussi bien pour le suivi de grossesse, que pour la contraception (30% des femmes y ont recours) et les vaccins des enfants.

En ce qui concerne le bloc obstétrical, il y a une salle de travail collective, où la patiente gère ses contractions seule et silencieusement jusqu’à dilatation complète. Elle est examinée toutes les 3h environ, et la surveillance monitoring est aléatoire… (à priori 2 monitorings pour toute la salle d’accouchements). Il n’y a pas d’analgésie péridurale. Les sages-femmes remplissent un partogramme (traduit en français).

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La patiente est transférée (à pied…) en salle d’accouchements pour l’expulsion. C’est le conjoint qui va chercher le matériel nécessaire à la pharmacie. La surveillance du post-partum immédiat s’effectue de manière aléatoire sur un brancard dans le couloir.

La durée classique d’hospitalisation est de 24h pour un accouchement normal et de 4 jours pour une césarienne. La patiente paie 5 dollars pour une chambre collective et 19 dollars pour une chambre individuelle, ce qui n’est pas anodin pour le budget familial.

Le taux d’allaitement maternel est de 100%.

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La prise en charge des prématurés s’effectue après 28SA.

 

 

Merci au Pr Reinharz et à Mr Giacometti de nous avoir aidé à entrer en contact avec cette maternité.